J'aime la foire où pour trois sousL'on peut se faire tourner la têteSur les manèges aux chevaux rouxAu son d'une musique bêteLes lampions jettent au firmamentAlignés en nombre pairComme des sourcils de géantLeurs crachats de lumièreLes moulins tournent, tournent sans trêveEmportant tout notre argentEt nous donnant un peu de rêvePour que les hommes soient contentsÇa sent la graisse où dansent les fritesÇa sent les frites dans les papiersÇa sent les beignets qu'on mange viteÇa sent les hommes qui les ont mangésPartout je vois à petits pasDes couples qui s'en vont danserMais moi sûrement je n'irai pasGrand-mère m'a dit de me méfierEt lorsque l'on n'a plus de sousPour se faire tourner la têteSur les manèges aux chevaux rouxAu son d'une musique bêteOn rentre chez soi lentementEt tout en regardant les cieuxOn se demande simplementS'il n'existe rien de mieuxJ'aimais la foire où pour trois sousL'on pouvait se faire tourner la têteSur les manèges aux chevaux rouxAu son d'une musique bêteIl nous faut regarderDerrière la saletéS'étalant devant nousDerrière les yeux plissésEt les visages mousAu-delà de ces mainsOuvertes ou ferméesQui se tendent en vainOu qui sont poings levésPlus loin que les frontièresQui sont de barbelésPlus loin que la misèreIl nous faut regarderIl nous faut regarderCe qu'il y a de beauLe ciel gris ou bleutéLes filles au bord de l'eauL'ami qu'on sait fidèleLe soleil de demainLe vol d'une hirondelleLe bateau qui revientPar-delà le concertDes sanglots et des pleursEt des cris de colèreDes hommes qui ont peurPar-delà le vacarmeDes rues et des chantiersDes sirènes d'alarmeDes jurons de charretierPlus forts que les enfantsQui racontent les guerresEt plus forts que les grandsQui nous les ont fait faireIl nous faut écouterL'oiseau au fond des boisLe murmure de l'étéLe sang qui monte en soiLes berceuses des mèresLes prières des enfantsEt le bruit de la terreQui s'endort doucement